Le canard Libéré 15
Octobre 2011
Chef de Cuisine André Halbert « Maitre
Cuisinier de France » Le Corniche Casablanca.
Parfois cela fait bizarre
d’entretenir une longue relation pour un critique gastro’ avec une table que
l’on vante depuis plus de 10 ans contre vents et marées (les modeux me taillent
des croupières régulièrement, mon passéisme parait-il).
Et puis « mince », allez « zou »
je vous remets çà… Sis au bout de la Corniche le Chef Halbert mange sa
Toque et sa santé un peu plus chaque jour, envahi cerné par des
projets immobiliers sur le flanc gauche, et sur le flanc droit, vous risquez au
surplus de vous faire couper en deux par les voitures lorsque vous
pénétrez dans le restaurant...
La route affleurant désormais
l’entrée de « Ma Bretagne » charmante attention… Mais il y
a aussi de quoi manger son rond de serviette quand vous
parcourez des yeux cette belle salle rappelant le pont d’un navire
alors qu’une petite quinzaine de couverts ( pas plus
) s’y trouve en embuscade.
Cette maison de bouche bien
rangée (ouverte en 1957 par Jacques et Simone Halbert), cultive un calme
et une ambiance suisse, Ma Bretagne l’ancêtre de la place est
reconnue dans la profession, d’un bel immobilisme qualitatif alors
que les autres tables casablancaises jouent au karaoké, surfent sur la vague
« bling bling » à coup de cuisine exotique ou pire moléculaire.
Le Père et le Fils Halbert ont
pensés définitivement que la gastronomie devait être posée, sereine, faites à
l’ancienne sans denier le mouvement dans le cadre d’une évolution bien comprise !
Econome dans le geste, rigoureux dans la sélection des produits… Même en salle
les (vieux) serveurs sont à l’unisson et détaillent les plats avec
précision, le tout délivré dans une belle argenterie et des assiettes chics.
C’est un des rares établissements
ou je craque pour le menu « dégustation » (vocable fourre-tout trop galvaudé
dans d’autres adresses). Mise en bouche Salade de foie gras et de saint Pierre
( beau mariage entre un produit de la terre et de la mer ) , pour suivre une Timbale
de rillette de homard d’une fraicheur épatante , mais encore un Duo de sole et
de rouget – la sole juste cuite à la vapeur, le rouget rosé à cœur sur une
tombée de julienne d’endives et épinards à l’ail confite : la grande
cuisine peut être belle et mesurée presque retenue… en voici donc la preuve.
Le clou de ce repas à mon gout un
tournedos d’agneau confit et laqué, fondant en bouche flanqué d’une
belle mousseline de légumes et de champignons des bois désarmants de simplicité! Et
le dessert: Ah le dessert… Souvent c’est le sort ingrat des
pâtissiers qui se voient couper l’herbe sous le pied après un diner
pantagruélique… Laissez-vous faire ici et tâtez aussi de quelques voluptés
sucrées… le régime sera pour le lendemain! Mon péché gourmand,
le roi des desserts : un Soufflé aux poires parfumé au Grand Marnier…
Le
bonheur! Navré de vous le dire, mais dépéchez vous
d’y aller « les barbares sont dans la ville » Ma Bretagne va peut-être
disparaitre sous les coups de boutoirs de nos élégants promoteurs immobiliers!
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